Mon meilleur ami s'appelait Erwan.

J'allais souvent chez lui, dans le jardin (avec plein d'arbres, toujours une découverte dans une grande ville de voir tant de verdure).
Erwan souffrait d'une maladie du cœur, il est mort à 9 ans. Son père l'a suivi l'année d'après. Je ne sais pas pourquoi ma mère n'a pas plus gardé le contact avec sa mère, elles étaient amies pourtant ?

Cet ami m'a beaucoup apporté, en tant que fils unique je n'avais pas comme lui à supporter ses 2 sœurs (plus âgées que lui). Son décès m'a marqué, car la mort fait partie de la vie. Pour autant, par procuration, j'ai sans doute vécu des choses qu'il n'aura pas eu l'occasion de faire. Il me semble qu'à chaque jalon de ma vie, j'ai pensé à lui : le passage en secondaire, le passage en terminale C, le BAC, l'entrée en prépa, le passage des concours.
En fait, je pense souvent à lui ('fin pas si souvent finalement), mais surtout au passage d'événements structurant. Quelque part je le fais pour lui, j'aurais aimé le faire avec lui.

Rencontrer la mort si tôt, à 9 ans c'est être jeune, m'a amené à réfléchir et encaisser : le temps passe, il faut profiter du moment présent (cela m'a bien servi en prépa), mieux vaut ne pas laisser partir ceux que l'on apprécie ou tout au moins faut-il le leur faire savoir, c'est pourtant évident. Je ne le fais pas assez, cela fait un peu dramatisation et affect parfois mal venu, pour autant cela correspond aux rencontres que l'on fait et qui comptent. Certaines personnes y sont sensibles.
Cela permet de se mettre face aux réalités : comprendre ce qui compte, ce qui apporte, ce que l'on aime faire et s'y cantonner en y laissant une place prépondérante.

Cela m'a beaucoup marqué, la preuve est que je m'en rappelle encore 30 ans après. Cela a marqué une rupture peut-être ou une incitation à vivre, a donné du sens en tout cas. S'il avait vécu nous aurions fait de la planche à voile ensemble, passé de bons moments sur la plage, continué de parler de nos soucis du moment et comment nous abordons la vie. J'ai rencontré d'autres amis ensuite, cela tient sur les doigts de la main bien sûr, mais j'y retrouve ce que je connaissais avec lui : un dialogue ouvert, direct, une compréhension intuitive même si cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas vus, une manière d'être qui perdure. C'est à cela que l'on reconnaît les vrais amis je pense.

Erwann est un prénom typiquement breton, sa fête est à la Saint-Yves. Je lui dois sans doute finalement mon attachement à la culture bretonne (il parlait le breton) et d'avoir passé de si bon moments dont j'ai cherché à profiter ensuite, malgré son absence. C'est un peu bizarre de dire cela, mais quelque part, son départ m'a permis de donner du sens à quelques instants et les apprécier, cela me marque alors qu'il n'est plus là. Cela donne du sens j'ai l'impression à ce que je vis, je n'aurais sans doute pas été le même, si concret et en même temps un peu ésothérique, très factuel mais avec un recul permettant d'apprécier les perspectives. Faire ce qui me plaît, m'y investir, même si cet acharnement ne tient finalement pas à grand chose pour d'autres, c'est important pour moi tout du moins (je pourrais élaborer).
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